Makan et Kan ya ma kan (كان ياما كان)

« Kan ya makan » ©Karl Sarafidis

Kan ya makan (كان يا مكان) : c’est par cette locution que pourrait plutôt commencer tout conte en arabe tant le terme kan (« il était ») n’est pas comme en français prioritairement associé au temps (« une fois ») mais au lieu, makan, qui ressemble à un participe passif du verbe « être », lequel ne se dit qu’au passé, la langue arabe marquant ainsi le présent du caractère de ce qui est fuyant et insaisissable, et consacrant le lieu comme objet de nostalgie. Dans les langues latines, la référence au lieu se retrouve par exemple dans l’espagnol estancia (la demeure), ou de façon indirecte en français dans la tournure « il y a ». Quant au grec, le terme ousia qui résulte de la substantivation du participe présent (ón, l’étant) du verbe « être » (einai) est pensé d’abord à partir de la parousia (la « présence ») – « être » signifiant alors « être présent » – mais servait initialement à désigner le domaine oiko-nomique qui se trouve sous la propriété de l’homme privé qui inclut la maison, le terrain, la femme, les enfants et les esclaves, avant de devenir un mot technique de la langue métaphysique dont la traduction en substantia (la substance) par les Romains occultera son origine vulgaire domaniale en même temps qu’elle ancrera le sens de « être » dans la permanence de ce qui sous l’étant présent demeure insistant (du moins tant que dure cet étant).